20.6.02
Quoi de plus agaçant que de devoir supporter un temps franchement médiocre dans un endroit où il n'y a rien d'autre à faire que de dorer sur la plage ? Et cette dernière expression n'a rien d'ironique. J'adore rester un long moment à chauffer au soleil, plongée dans un roman de huit cents pages, et de temps à autre entrer difficilement dans une eau à dix-sept degrés. Je sais que la plage a tendance à être connotée négativement (bronzer idiot, cancer de la peau, tout ça), mais rien à faire, j'adore ça, ça me replonge dans mon enfance. J'ai pourtant horreur de la chaleur excessive (ce qui explique en partie, mais non entièrement, mon aversion pour le Sud de la France), mais ici, le soleil parvient à se mêler harmonieusement à une température modérée. Cela fait de moi un lézard heureux. Lorsque le temps le veut bien. Sinon, les seules attractions possibles sont une galerie de jeux à dévorer nos euros et un cinéma qui ne semble pas avoir découvert qu'il y avait une vie en dehors de Walt Disney.




18.6.02
Mais oui, c'est bien moi, et non quelque hacker courageux (car pour deviner mon mot de passe, il faut s'y mettre de bonne heure). Couverte de honte (vous n'imaginez pas l'effort immense que j'ai dû mobiliser pour ouvrir cette page), mais moi tout de même. Les coupables de cette impardonnable absence sont tout désignés :
- Roland-Garros (et en plus, Ferrero a perdu)
- La coupe du monde (j'ai même regardé France-Danemark. La malédiction selon laquelle, quand je regarde un match, je suis toujours ailleurs au moment du but, s'est encore vérifiée, mais pas dans le sens que j'aurais voulu. Quand le Danemark a marqué pour la première fois, j'allumais ma bouilloire.)
- Les examens, malencontreusement organisés par mon incompétente université au beau milieu du mois de juin. Les résultats sont tels que je les aurais trafiqués si j'avais eu accès au système informatique de la fac, sauf un, mais qui n'a pas d'incidence sur le résultat final. Pas très clair, tout ça, mais je m'y retrouve.
- Miss Flemmouille, qui se déclenche au quart de tour chez moi.
- La perte de l'habitude d'écrire ici (qui s'active toutes les 48 heures).
- Un peu moi aussi.

Je ne sais pas quand je pourrai écrire de nouveau régulièrement : pour le moment, je suis en vacances en Bretagne avec Compagnon, dotée d'une connexion Internet mathusalemesque et peu motivante. Ça devrait s'arranger en juillet, théoriquement, mais l'été n'a jamais été une période franchement favorable pour l'écriture chez moi... Bon, on verra. Ne vous inquiétez pas, je suis donc toujours vivante et infiniment confuse.




16.5.02
Le Syndrome du Mois de Mai revient. Comme des centaines de milliers de lycéens et d'étudiants, je suis persécutée par lui, cette fois pour la cinquième année consécutive. Il consiste en une équation simple : soit, d'une part, un soleil éblouissant, une température à se ruer à la piscine, le festival de Cannes et les sorties de films qu'il occasionne, ainsi que Roland-Garros qui approche, et, d'autre part, une malheureuse étudiante contrainte de réviser ses examens qui commencent dans un peu moins de deux semaines, voilà une torture permanente. Pourquoi les examens n'ont-ils pas lieu en mars ? (il y en a aussi en janvier, notez, mais là ce sont les fêtes de Noël qui font obstacle) Voilà une mesure populaire à proposer à notre cher nouveau ministre de l'Education Nationale : une nouvelle répartition de l'année universitaire. Rentrée mi-août (quand le beau temps commence à décroître) au lieu de mi-octobre, examens fin mars au lieu de fin mai. - Cette année, j'espérais que le SMM serait un peu moins virulent, mes examens ayant lieu particulièrement tôt par rapport à Roland-Garros. Malheureusement, je crois que la finale hommes a lieu la veille de mon oral de latin, la dernière épreuve. C'est l'ironie tragique du SMM, sa manifestation la plus cruelle.




14.5.02
Dimanche, j'ai assisté pour la première fois de ma vie à une communion solennelle, celle d'un cousin de Compagnon. Bof, ce n'est pas très impressionnant. Le midi (ou plutôt pendant toute l'après-midi), nous avons mangé avec une bonne partie de la famille. Nous étions assis à côté de cousins de Compagnon assez proches de nos âges ; je les avais trouvés plutôt sympas lors de nos précédentes rencontres, mais là ils se sont surpassés dans la catégorie libéraux bien-pensants, le cocktail le plus épouvantable que je puisse imaginer. Je me suis efforcée de ne pas trop participer aux conversations, je sais bien qu'il est inutile de chercher à convaincre quelqu'un qui a des opinions bien arrêtées... Mais tout de même, difficile de rester assise et souriante en entendant dire que les fonctionnaires sont tous des assistés (je venais de mentionner que mes parents appartenaient à l'Education Nationale) ou que les Verts sont des trotskistes, ou encore que fumer des joints est infiniment plus dangereux que de boire de l'alcool. Ce n'est que le lendemain matin que j'ai pensé à tout ce que j'aurais pu dire, évidemment (c'est toujours comme ça) : que le shit, à haute dose, provoque uniquement somnolence, manque de mémoire et de concentration, alors que l'alcool provoque des cirrhoses, des cancers, des maladies cardio-vasculaires, etc. Qu'il tue des centaines de milliers de personnes chaque année, alors qu'à ma connaissance il est impossible de mourir pour avoir fumé du shit - à part les méfaits du tabac, mais c'est autre chose. Cette pénible conversation a cependant eu des effets bénéfiques surprenants : ça y est, Compagnon a reconnu publiquement (sans m'avoir avertie préalablement qu'il était enfin converti) qu'il était de gauche. Je n'ai jamais mis que près de deux ans et demi à le convaincre...




10.5.02
Je suis bien irrégulière, je sais... Mais la période n'est pas favorable à l'écriture. D'abord, j'ai l'habitude de ce phénomène : quand je suis obligée de m'éloigner un peu de mon journal, je perds immédiatement le réflexe d'y écrire quand j'ai un peu de temps libre. Et puis mes examens approchent à pas de géants (les cours se terminent le 28, première épreuve le 29 à 8h30 : est-ce bien humain ? c'est ahurissant qu'on ne nous accorde même pas une semaine de révisions, pratique pourtant courante dans les universités françaises), je suis en ce moment chez mes parents, pour travailler, même si mon rythme pourrait être plus soutenu. J'éprouve une espèce de douleur à travailler, et pourtant ce que j'ai à faire n'est pas vraiment pénible - des traductions, des fiches de grammaire, des relectures. Mais dès que je m'y mets, je suis dévorée d'un besoin irrépressible de m'arrêter pour aller lire quelques pages de David Lodge, pour téléphoner à Compagnon, pour parcourir la presse... Enfin, j'avance tout de même, cahin-caha. Je peaufine aussi mes bonnes résolutions pour mon année de maîtrise, notamment être tous les matins à l'ouverture de la bibliothèque et y rester jusqu'à 15 ou 16h, pour travailler efficacement et garder mes soirées libres... J'ai aussi mis au point tout un programme de sport (si, si), avec l'idée de m'inscrire dans un club de gym. C'est une cousine de Compagnon qui m'a glissé cette idée en tête. L'avantage, c'est qu'en faisant pas mal de sport j'écarterais toute culpabilité devant un repas trop important. Mais je me connais, je ne pense être capable d'une telle discipline. Pourtant, l'écrire ici pourra peut-être me forcer à m'y mettre...

Nous partons au cinéma. J'y suis tout le temps fourrée en ce moment : Parle avec elle d'Almodovar avant-hier (magnifique), Le crime était presque parfait de Hitchcock hier, Wesh wesh ce soir.




6.5.02
Si quelqu'un m'avait dit, il y a trois semaines, que je pousserais un cri de joie en voyant apparaître le visage de Chirac à 20 heures, j'aurais souri avec condescendance devant une telle méconnaissance de ma personne. Et pourtant, c'est bien ce que j'ai fait hier. Je n'avais jamais vraiment eu peur que Le Pen passe, tout de même, mais je craignais qu'il ne tourne autour des 30%, un score épouvantable à tous points de vue. A partir de 19 heures, en entendant les chiffres de la participation, j'ai commencé à espérer timidement qu'il se contente de 20%, mais mes parents n'y croyaient pas du tout. Alors, oui, sur le moment, j'étais vraiment heureuse. Moins, en entendant que 18% = six millions de gens. Un Français sur dix !

Quel plaisir, tout de même, de le voir, lui toujours si agressif, si content de lui, défait et muet. Son "Mais qu'est-ce que je dis ?" sur France 2 à huit heures, face à un David Pujadas goguenard... Le soulagement du moment efface l'amertume du 21 avril.

Quand on y pense, c'est fou d'être satisfait qu'il se soit contenté de gagner très peu d'électeurs, alors qu'il aurait dû les perdre tous si les gens avaient pris la peine de s'intéresser à son programme et à l'Histoire mondiale. Enfin. Maintenant, je vais peut-être réussir à éteindre la télé et à reprendre une activité normale...





4.5.02
Hier, Libé a publié un article visant à aider les électeurs de gauche à voter Chirac sans en ressortir trop traumatisés. En voici un petit extrait :

Dès le saut du lit, répétez-vous sans relâche : «Je vais voter Charles Pasqua.» Au petit déjeuner : «Je vais voter Charles Pasqua.» Faites un tour au marché ou aux Puces en vous répétant tous les cinquante pas : «Je vais voter Charles Pasqua.» Appelez vos parents et vos meilleurs amis pour leur faire cette confidence : «Je vais voter Charles Pasqua.» Vers le milieu de l'après-midi, vous vous sentez mûrs, vous vous approchez de l'école en ressassant votre mantra magique. Vous présentez votre carte d'électeur et tout à coup vous vous rendez compte qu'il s'agit de voter Chirac. Brusquement soulagé d'avoir trouvé un moindre pire, vous votez en un tour de main. Ouf !

Je vais peut-être essayer ça, bien que je ne sois pas sûre d'arriver à me convaincre sérieusement d'envisager voter pour l'abominable Pasqua avec son faux accent corse. Un deuxième tour Pasqua-Le Pen, qu'est-ce que j'aurais fait ? Lancé la Révolution ? Pris un aller simple pour Londres en Eurostar ? Oui, finalement, Chirac, ce n'est pas si terrible, bien qu'il traîne derrière lui pas mal de casseroles que j'ai bien du mal à oublier. Et comment vais-je m'habiller pour aller au bureau de vote ? Mes gants pourraient être pris pour une provocation par l'assesseur de FN qui sera sûrement présent, bien qu'il s'agisse de gants Isotoner noirs et non de Mappa roses, et que je les porte quotidiennement parce que j'ai les mains fragiles. Est-ce que je mets du rouge ? Oui, mais je n'ai pas grand-chose de rouge, tout juste un pull. Du noir, alors ? Oui, c'est une idée, je pourrais y aller déguisée en jeune fille gothique. Oh, finalement, je ne ferai sûrement rien de plus symbolique que d'envoyer mon bulletin Le Pen déchiré à Chirac, avec un petit mot personnalisé. Encore un petit conseil pour la route ?

Remontez-vous le moral. Dites-vous qu'il est rare de voter deux fois d'un seul coup : ce sera la première fois que vous votez à droite et aussi la dernière.

Et demain, tous aux urnes.