Lundi 4 mars 2002
13h47. J'ai dévoré et adoré Haute Fidélité, qui m'a convaincue une nouvelle fois que les écrivains anglo-américains actuels étaient bien supérieurs à leurs homologues français, du moins dans l'échantillon que je connais. Parce qu'ils savent raconter des histoires simplement et merveilleusement bien à la fois. Tandis que les Français... Je ne veux pas généraliser, je ne connais pas très bien, mais pour ce que j'ai lu c'est à la fois poseur et bâclé, un mélange extrêmement dangereux. Généralement, leurs romans me laissent une impression de pas fini. On jurerait qu'ils craignent de raconter quelque chose ; peut-être un traumatisme collectif lié au Nouveau Roman ? Toujours est-il que je vous conseille de ne pas laisser passer une journée de plus sans vous précipiter chez votre libraire préféré et lui arracher le roman de Nick Hornby. Ce n'est pas toujours très joyeux, et pourtant on en sort heureux et confiant.
Ce matin, après un douloureux lever à six heures et demie, un lever hésitant aussi (j'avais le choix entre me rendormir, et aller au cours similaire de 9h30, mais dans ce cas ne rien faire de ma matinée, ou me précipiter hors du lit en sachant que je pourrais, en rentrant de mon cours, travailler, lancer une machine, etc. J'ai choisi la deuxième solution, mais rien ne saurait remplacer l'heure et demie de draps chauds, de sommeil, de rêves que j'ai perdue ce matin), j'ai découvert un phénomène. Une fille qui a fait un exposé ce matin. Je ne pensais pas que c'était possible d'offrir à vingt ans une telle apparence, et je sais bien que ma description va être beaucoup trop faible, mais je vais essayer de faire de mon mieux. Un serre-tête comme on en porte à huit ans, un chemisier blanc avec une médaille en or (la Sainte Vierge ?), une gilet bleu marine avec de gros boutons dorés, un genre de foulard écossais bleu marine et vert, une ample jupe trop longue écossaise (mais pas les mêmes carreaux ni les mêmes couleurs !), des petites chaussures à petits talons. De près, elle faisait à peine plus que son âge probable, vingt ans, mais de loin on lui en aurait donné cinquante. Je n'ai rien contre les vêtements un peu stricts, mais là ce n'est pas seulement strict, c'est laid, douloureusement laid, horriblement BCBG, vraiment, on croirait voir sa mère en la regardant. Sa façon de parler était à l'avenant ("... nous en avons déjà passablement parlé..." "...le titre de cet opuscule..." même les profs les plus "vieille école" ne s'expriment pas comme ça). Elle ne dégageait aucune prétention, non, mais elle était complètement décalée, figée dans un autre univers. Terrifiant. Si elle a aussi peu de fantaisie à vingt ans, mais quand va-t-elle vivre un peu ? Il n'y a qu'à la voir pour savoir qu'elle n'a aucune expérience de la vie, hormis sa composante la plus strictement scolaire. Elle a l'air très gentille, ça m'a fait de la peine. On ne peut même pas l'imaginer aller au cinéma avec sa meilleure amie, ça paraît trop audacieux pour elle. Le prof lui a fait pas mal de reproches à l'issue de son exposé (ça m'a rassurée, je n'avais pas suivi grand-chose), et j'ai eu la vague impression... mais peut-être que je projette mes propres sentiments... qu'il était légèrement agacé de cette drôle de fille, à la fois très assurée dans ses propos, involontairement pédante, et si peu vivante.
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